Comment évaluer la formation des savoirs agroécologiques ?

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La transmission de savoirs agroécologiques et l'apprentissage qu'elle vise suppose de respecter le développement de chaque personne.
La réflexivité à laquelle nos démarches invitent est supposée favoriser ce développement et nous paraît même en être la clef de voûte.

La prise de conscience que la réflexivité suppose est une première démarche de développement.
La réflexivité peut permettre de confirmer et d'ancrer des savoirs présents mais qui n'étaient pas nécessairement légitimés par la personne. Elle peut conduire à mettre en lumière des savoirs nouveaux qui favorisent ou qui nuisent à l'activité professionnelle.

Elle peut alors permettre une réorganisation des conceptions, des ressources cognitives de l'apprenant pour affronter une situation professionnelle connue en mobilisant de nouveaux savoirs. Mais elle peut aussi favoriser la mobilisation du savoir dans une situation nouvelle, et rendre le savoir trans-situationnel en favorisant ainsi le développement du sujet-capable.

C'est donc plutôt à l'apprenant que revient la possibilité d'évaluer son apprentissage. L'éducation à l'agroécologie suppose donc de privilégier des démarches d'auto et de co-évaluation.
Les travaux en psychologie ont mis en évidence que le processus de construction de connaissances induisait une déstabilisation plus ou moins confortable de l'édifice cognitif des apprenants. Il s'agit à notre sens d'une dimension non négligeable de la démarche d'enseignement-apprentissage qui ne manque pas de générer des formes de malaises, de résistances, de conflits plus ou moins profonds, plus ou moins porteurs de difficultés aussi bien pour les enseignants / formateurs que pour les apprenants.

Dans le même ordre d'idée, les travaux en didactique des disciplines de ces 50 dernières années ont permis de forger la conviction selon laquelle on « connaît contre ses représentations »1. A ce propos, nous proposons dans la partie intitulée « formaliser la perception du concept d'agroécologie » un ensemble de démarches destinées à accompagner le processus de transition conceptuelle.

« Connaître contre ses représentations » revient, très schématiquement, à questionner (dans un cadre didactisé, aménagé) les limites de ses constructions mentales, d'identifier les obstacles qui sont alors induits, pour éventuellement re-construire une nouvelle structure cognitive empruntant, ici et là, des éléments pour la rendre robuste, durable, opérante, efficace et efficiente.

Il s'agit, rapidement présentées ci-dessus, des « règles du jeu » didactique que les acteurs de la relation éducative et pédagogique maîtrisent plutôt bien dans le cadre de l'éducation formelle en général et scolaire en particulier. En d'autres termes, ce processus fonctionne et est outillé de façon satisfaisante pour aborder des concepts scientifiques tel que le théorème de Thalès ou les fonctions digestive et respiratoire par exemple...
Toutefois, en ce qui concerne les savoirs agroécologiques, il nous semble exister un double mouvement de remise en question des représentations.

L'un que nous pourrions qualifier d'épistémologique puisqu'il vient directement questionner l'origine, la nature, la forme, la dynamique etc, des savoirs en jeu. L'autre que nous sommes enclin à qualifier d'épistémique puisqu'il questionne, de façon indépendante des contenus de savoir la posture que chacun est prêt à adopter vis-à-vis de ces savoirs.
Ã?valuer un niveau d'appropriation dans ce contexte implique de prendre en compte ce double mouvement.
Ainsi, d'une part, l'activité d'évaluation pose assez naturellement la question des références. Sans reprendre totalement le parallèle avec l'enseignement d'un concept stabilisé (tel que le théorème de Thalèsâ?¦), évaluer la construction d'une connaissance agroécologique, compte tenu de sa nature épistémologique, semble exclure d'emblée un mode d'évaluation normatif (i.e. recherche d'un écart par rapport à une norme par la seule analyse de la part productive du travail d'apprentissage) et nous invite plutôt à considérer une voie davantage formative et qualitative par l'analyse de la part constructive du travail d'apprentissage.

L'évaluation de l'évolution d'un niveau de réflexivité et/ou l'évaluation d'un niveau de développement de compétence semblent plus enclin à la prise en compte de la nature contextualisée, située (individuelle, culturelle, sociale, géographique, écologiqueâ?¦) des savoirs et connaissances en jeu.

A ce propos, il ne nous est pas apparu pertinent de formaliser des outils de type multi-grilles, multi-critères pour l'évaluation. Ces dernières auraient, à notre sens, eu pour conséquence de morceler la réalité de l'activité d'apprentissage et d'éloigner l'évaluateur de la prise en compte de sa complexité.

D'autre part, l'activité d'évaluation se porte également sur l'évolution de la posture des apprenants. Nous avons insisté sur l'importance de préparer les personnes en formation à l'accueil des savoirs agroécologiques et des démarches à mettre en œuvre dans cette optique. La capacité à faire évoluer sa posture, son mode de rapport au savoir nous semble primordiale à évaluer.

Or, il ne nous semble pas plus pertinent ici d'élaborer des grilles multi-critères pour avoir accès aux niveaux d'évolution des uns ou des autres. Là encore, une démarche davantage qualitative semble nécessaire. Des entretiens individualisés, des ateliers d'écriture, des ateliers d'analyse de pratique, des espaces et des temps d'explicitation... Permettent de faire émerger les éléments de la dynamique évolutive de chacun.

Les documents proposés dans cette partie mettent l'accent sur ces démarches d'évaluation qualitative et formative. Ces outils invitent l'enseignant à une forme de « lâcher-prise », à l'abandon d'une illusion de maîtrise en laissant davantage de place à des modalités d'auto-, de co- voire d'éco-évaluation.


Ressources













Pour poursuivre votre découverte de l'itinéraire de formation :
@ La posture d'expert du formateur ou le paradigme objectiviste

@ La posture d'accompagnement du formateur ou le paradigme subjectiviste

@ La posture d'animateur du formateur ou le paradigme socio-critique

@ Combiner différentes postures

@ Explorer les savoirs agroécologiques